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Le bon choix des équivalents pour la recréation du style islamique dans la traduction

Par Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên Ayad

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Le bon choix des équivalents (c.-à-d. trouver le mot juste en français qui sera « le synonyme interlingual » du mot arabe) permet de traduire le Texte arabe dans un style islamique.

Car, le fait d’être pointu à saisir le sens voulu par l’auteur dans le contexte[1], est à même de pouvoir reproduire en même temps les contenus sémantiques des mots et des phrases et leurs effets stylistiques. Cette opération donnera au Texte traduit une identité religieuse, qui serait celle de l’islam.

Cette identité, qui s’exprime dans le style islamique, est en effet l’outil qui laissera le lecteur ressentir, si ce n’est découvrir, la différence de ce qui est un style islamique en français de ce qui ne l’est pas, autrement, ce qui fait partie des styles qui sont l’apanage d’autres domaines (médecine, journalisme, littérature avec ses différentes écoles…).

La question du style islamique en français est d’importance capitale. C’est la face externe, l’habit du contenu même qui traite de l’islam.

Au fait, il est vrai qu’en lisant un Texte traduit sur un sujet islamique, le Tewhîd, par exemple, on est conscient qu’on est en train de lire sur l’islam, or la question du style, permettra, tout justement, au lecteur de prendre connaissance d’une manière d’écrire et de parler qui sera l’autre face de la manière d’écrire et de parler de l’auteur ou du savant qui a écrit le Texte ou donné le cours en arabe. Les langues se ressemblent[2]. On peut exprimer le même concept de la même manière d’une langue à l’autre. Le traducteur talentueux dévoilera le double qu’il y a dans une langue, quand elle s’exprime dans une autre langue. Redire en français les mêmes idées arabes, dans leur style et leur identité, est chose que les langues autorisent. Le discours, qui est la mise en pratique de la langue, avec sa production incessante du sens en est le vecteur. Le célèbre linguiste français Georges Mounin exprime ce fait par ces termes : « Il est clair après tout qu’on peut traduire en français mille fois plus de formes grammaticales qu’il en existe de reconnues et de classées systématiques. (…) ce qui, pour nous traducteurs, signifie que nous ne devons jamais conclure, du fait qu’une tournure est ignorée par notre langue, à l’impossibilité de la traduire. »[3]

Le traducteur a la responsabilité de reproduire, outre les sens du Texte de départ, tous les éléments linguistiques et extralinguistiques, notamment culturels.

C’est ainsi que le lecteur saisira les particularismes d’une traduction islamique qui la distinguent de toute autre traduction ou rédaction appartenant à des champs autres que le champ de l’islam[4].

C’est pourquoi être minutieux dans le choix des équivalents est de toute évidence le facteur principal permettant de réaliser un style religieux propre à l’islam. Les tournures des phrases à produire avec une telle procédure, qui, elles, seront construites sur le bon choix des mots en équivalence, est le secret de traduire dans un style islamique.

Pour illustrer ce qui vient d’être dit par des exemples, nous citons les mots (العبد، العباد) que beaucoup traduisent par l’homme, les hommes. Voyons de fait que ce mot français homme ne remplit pas le contenu sémantique du mot arabe (عبد) ; il n’identifie pas non plus son identité religieuse. Car, homme, est un mot neutre, tandis que (عبد) rappelle bien entendu les notions d’adoration, et exprime également la condition de servitude pour Allâh. C’est pour cette raison qu’il est plus pertinent de le traduire par serviteur (à propos, je m’abstiens de l’équivalent esclave que d’aucuns emploient, pour des raisons linguistiques et extralinguistiques que je n’évoquerai pas ici).

Et par là même nous pouvons mentionner tous les mots qui vont dans ce sens et qui s’alignent tous sur cette règle « le bon choix des équivalents pour la recréation du style islamique dans la traduction ».

Figurent également les mots très ordinaires mais malheureusement mal traduits, tels que (الله) Allâh, et non Dieu et encore moins dieu avec un « d » minuscule ; et (سنة) Sounna (avec /ou/ et non /u/ et sans /h/ à la fin), et non tradition ; (قرآن) Qour’ên et non Coran[5] ; (توحيد) unicité et non monothéisme ; (شرك) association et non polythéisme ; (خاتم الأنبياء) ultime Prophète ou dernier des Prophète et non sceau des Prophètes !; (الكرسي) la Chaise (avec un « C » majuscule) et non repose-pied ![6], etc.

De même, est inclus dans cette règle, toutes les expressions islamiques arabes que l’on traduit par des expressions purement françaises, qui appartiennent à la culture française… Le traducteur, agissant de la sorte, commet une déculturation des mots et des expressions islamiques arabes.

Le style islamique se crée par les mots et les expressions arabes. Quand le traducteur, maître et doué, sait trouver l’équivalent juste au mot précis, arrivera à faire renaître ce style dans le Texte traduit. Pour y parvenir, seule « la traduction littérale contextuelle »[7] peut servir de truchement.

Rappelons, une fois de plus et pour finir, que ce sont les savants et les auteurs musulmans qui donnent forme au style islamique ; et, que tout traducteur (soucieux de donner l’occasion au lecteur de tirer tous les profits possibles de sa traduction) se doit de reproduire dans son Texte.

Et c’est Allâh, Exalté et Très-Haut, qui assiste et accorde la réussite.

Publié sur : https://scienceetpratique.com/12682-2/

Textes connexes :

« Comment traduire un mot correctement ? », sur : https://scienceetpratique.com/11804-2/

« Traduire un texte, c’est tout d’abord l’analyser », sur : https://scienceetpratique.com/11814-2/

« Exploration des sens des unités terminologiques dans un travail de recherche sur la terminologie islamique dans le domaine de la biographie prophétique », sur : https://scienceetpratique.com/exploration-des-sens-des-unites-terminologiques-dans-un-travail-de-recherche-sur-la-terminologie-islamique-dans-le-domaine-de-la-biographie-prophetique/

…………………….

[1] Lire notre notule « Sur le contexte en traduction », sur : https://scienceetpratique.com/11834-2/

[2] Consulter sur « les universaux du langage » Comprendre la linguistique, de Robert Martin, PUF, pp. 77-101, Paris, 2002.

[3] Georges Mounin, Les belles infidèles, Éditions des cahiers du sud, p. 47, Paris, 1955.

[4] Ces particularismes s’inscrivent dans la nature de chaque domaine de connaissance. Ils sont l’apanage des langues de spécialités. Les écrits et les traductions islamiques en font partie.

[5] Lire à ce sujet notre article « Mise en garde contre l’erreur usuelle de traduire le terme Qour’ên par l’emprunt Coran », sur : https://scienceetpratique.com/a-lintention-des-musulmans-auteurs-et-traducteurs-francais-et-francophones-بيان-وتحذير-من-

[6] Consulter notre article « Commentaire et explication concernant l’erreur courante de traduire le nom du verset El Koursî (آية الكرسي) par le verset du « repose-pied.s», sur : https://scienceetpratique.com/a-lintention-des-musulmans-et-traducteurs/

[7] Lire à ce propos nos notules « La traduction littérale est le seul garant de la reproduction totale des données du Texte islamique », sur : https://scienceetpratique.com/11864-2/ ; « La traduction littérale pour les Textes islamiques », sur : https://scienceetpratique.com/11854-2/ ; « Traduction sourcière, traduction cibliste : laquelle conviendrait pour les Textes islamiques ? », sur : https://scienceetpratique.com/11824-2/