Aperçu général de la situation prévalant en Algérie avant la naissance d’Ibn Badis[1]

Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên Ayad

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 Quiconque cherchera à savoir dans quel état se trouvait l’Algérie rien qu’aux cinq premières décennies suivant le débarquement militaire de la France, sera frappé de stupeur des conséquences dévastatrices d’une colonisation qui avait pour but de décimer, au sens propre et figuré, toute une nation.

Effectivement, tel que l’affirment les textes historiques, sur tous les plans: social, religieux, culturel, économique, etc., le peuple algérien était dépossédé de ses droits les plus élémentaires d’être humain digne de ce nom. Comme il était, aussi, victime de toutes les atrocités qu’un criminel barbare et inhumain peut commettre contre ses victimes. Voire inimaginables sont les carnages qui étaient infligés à notre peuple et dont nous souffrons des conséquences sur nos terres jusqu’à ce jour !

Pour décrire la réalité désastreuse qui prévalait à cette époque, nous cédons la parole à un éminent érudit, le collègue et bras droit d’ibn Badis, le cheikh Mouhammed el Bachir el Ibrâhîmi -qu’Allâh lui fasse miséricorde-, qui a porté un témoignage aphoristique sur la barbarie du colonisateur français; il a dit: « Le colonisateur français est venu dans ce pays comme les maladies qui surviennent, elles  apportent avec elles la mort et les causes de la mort ! » [2]; et il a également déclaré dans un autre vibrant témoignage : « La colonisation est une tuberculose. Elle combat tout ce qui est susceptible de renforcer l’immunité d’un corps sain. Et dans ce pays, elle administre ses lois afin d’annuler les règles islamiques. Elle a aussi commis des sacrilèges contre l’inviolabilité des lieux de culte, et combattu la foi au moyen de l’athéisme, l’enseignement par la propagation de l’illettrisme, et la langue arabe avec cette anarchie qui n’établit correctement ni expression ni réflexion. » [3]

À vrai dire, la France coloniale a déversé toute sa monstruosité dans le but de déraciner tous les repères de l’islam, et de creuser des fossés insurmontables entre les Algériens et leur religion. Car, étant persuadée que les musulmans puisent leur force de leur religion, la France a donc multiplié ses manœuvres dans le sens de détruire tout ce qui est islamique, et d’ériger à la place les enseignements du christianisme. Et pour s’assurer du gel de toute source capable d’alimenter l’activité islamique, la brute coloniale s’est livrée à la dépersonnalisation de l’identité religieuse algérienne par des procédés sorciers, tels que le fait de s’accaparer des weqfs, seule ressource financière de l’enseignement religieux de l’époque ; l’usurpation des mosquées dont la majorité furent démolies (notons qu’à Alger seule, il y avait 122 mosquées et qu’en 1899 ne restaient que 5 ! [4]), alors que d’autres étaient transformées en bureaux, en casernes militaires, en églises… Ces mosquées représentaient autrefois des lieux de savoir et de connaissance comme le sont les écoles et les universités d’aujourd’hui.

La France coloniale a également instauré, comme l’a souligné le cheikh el Ibrâhîmî, plusieurs lois afin d’entraver et de limiter la liberté de l’enseignement et de l’apprentissage, et ce par le moyen entre autres de se mêler dans la programmation et l’établissement des méthodes d’enseignement.

Elle a ainsi interdit d’enseigner l’exégèse du Qour’ên, surtout les versets qui incitent au combat, elle a entravé l’apprentissage de la langue arabe littéraire, langue du Qour’ên et de l’islam, qu’elle a concurrencé par la propagation de l’enseignement des dialectes arabes[5], et donné libre cours à la prolifération des écoles françaises qui enseignaient certains enfants algériens suivant une méthodologie francisante et laïque, pour qu’ils se vanteront plus tard que leur pays est la Gaule et que leurs ancêtres sont les Gaulois !; qu’il n’existe pas de pays qui s’appelle l’Algérie, tel qu’a eu l’audace de le dire un certain étudiant algérien formé dans ces écoles : « …Je n’accepterai pas de mourir à cause de ce ’’ pays algérien’’, car il n’existe même pas ! » [6]. En somme, la colonisation française n’a épargné aucun effort pour éradiquer définitivement l’islam des terres algériennes. Et en réalité, tout ce qui vient d’être dit n’est qu’une très modeste illustration des crimes et génocides physiques et moraux perpétrés par le colonisateur français.

Publié par : http://scienceetpratique.com/?p=3666

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[1] Tiré de l’ouvrage ‘Abd El Hamid ibn Badis, un Imam de guidée, de science et de réforme, Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên Ayad, Éditions science et pratique, Béjaia, Algérie, pp. 6-10, et également disponible en ligne sur : http://scienceetpratique.com/?p=554

[2] El êthâr (Les œuvres), d’El Bachîr El Ibrâhîmî, p. 46. 

[3] Ibid.

[4] Thèse de doctorat, intitulée at-atnsîr wa mawqifouhou mina-nahdha el hadhâriyya el mo‘âsira fi-l Djazê’ir (La christianisation et ses positions envers le réveil civilisationnel contemporain en Algérie), soutenue par Saïd Aliwan, p. 103, année universitaire, 2001/2002, université islamique de Constantine.

[5] Il y a ici une comparaison à faire avec ce qu’on allait instaurer cette année (2015-2016), en Algérie, par l’instauration de l’enseignement de l’arabe dialectal à l’école!

[6] Abd El Hamid Ibn Badis, el ‘êlim ar-rabbêni wa az-za‘îm as-siyêci (‘Abd El Hamid Ibn Badis, le savant divin, et le chef politique), Mêzin Sâlih Motabbaqâni, éd. ‘Alem el Afkâr, 2005, Alger, Algérie.