Déclaration et clarification
Toutes les louanges sont à Allâh, le Seigneur de l’univers ; et que la prière et le salut soient sur le dernier des Prophètes et Messagers, notre Prophète Mouhammed ; cela dit :
Il y a ici présent une clarification sur le dépliant Voici ce qu’ils disent du Prophète de l’islam, Mouhammed ﷺ, écrit par le frère Abdelrazak Medjkoune -qu’Allâh lui pardonne-, et sur lequel on peut voir tout en bas la mention Révisé par Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên El Bidjê’î, ainsi, sans préciser la nature de la révision.
Au fait, ce dépliant contient plusieurs erreurs scientifiques et de types divers et variés, dont la croyance, la méthodologie (le mènhèdj), le hadith, le fiqh, l’histoire, la langue, etc. Des exemples de ces erreurs seront cités ci-dessous.
J’ai donc décidé d’écrire cette clarification, afin de corriger ce dont moi-même je suis tombé et rétracter ma « révision ! » ; mais pour conseiller aussi mes frères et sœurs musulmans et musulmanes de prendre garde à lire ou propager ce dépliant. Je le fais également pour décliner toute responsabilité pour les erreurs en questions, après cette déclaration.
Avant de faire l’illustration des erreurs et de les expliquer, je voudrais mettre le point sur la mention (Révisé par Aboû Fahîma…) insérée dans le bas du dépliant.
À vrai dire, mon travail durant les années passées, quand j’étais dans le site d’Abdelghani Aoussat, se résumait concernant la publication des dépliants écrits par Abdelrazak Medjkoune à les traduire et corriger les fautes de langue. L’évaluation du contenu et des informations qui y sont citées, étaient laissée à l’auteur et Aoussat, celui-ci même qui lui donnait à la fin son autorisation pour les publier.
Cela étant mis à l’écart, parmi les erreurs qui ont trait à la croyance, quelques expressions inacceptables en islam prononcées par certains « penseurs » cités par l’auteur, sans même pas qu’il y prenne la peine de faire mention de leur illicéité dans notre religion.
Il s’agit premièrement de l’expression de George Bernard Shaw : « J’ai prophétisé sur la foi de Mahomet qu’elle sera acceptable à l’Europe de demain… », p. 2, du dépliant.
D’un point de vue linguistique, je prends à titre d’exemple la définition donnée au verbe « prophétiser » par le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales) qui reprend les mêmes définitions que le dictionnaire de référence le TLF (Trésor de la langue française) :
Prophétiser :
- Religion :
Annoncer à l’avance les événements futurs par inspiration surnaturelle.
− Prophétiser sur. Faire des prédictions sur.
- Par extension :
- Annoncer les événements futurs par voyance, par divination ou par pressentiment.
- Annoncer des événements futurs en usant de l’observation, de l’analyse rationnelle.
- Prophétiser l’âge d’or, des calamités, la fin du monde.
Ainsi de manière on ne peut plus précise, ce dictionnaire de référence attribue au verbe prophétiser, que ce soit pour le volet religieux ou extensif, les mêmes contenus définitoires qui sont interdits en islam, à savoir prédire un événement futur. De toutes les manières, et quoi qu’il en soit, dans l’usage (el ‘ourf) du langage islamique, le verbe prophétiser, ainsi que toute sa famille lexicale, renvoie exclusivement au champ sémantique (de sens) de la Prophétie des Prophètes -sur eux le salut-.
Et d’un point de vue religieux islamique, l’on sait tous que les prédictions sont l’apanage des Messagers et des Prophètes par la voie de la Révélation.
Notre Seigneur -Très-Haut soit-Il- dit à ce sujet : ﴾ Le connaisseur de l’Inconnaissable (El Ghayb). Il ne dévoile Son Inconnaissable à personne, sauf à celui qu’Il agrée comme Messager et qu’il fait précéder et suivre de gardiens vigilants.﴿ El Djinn (Les Djinns), v. 26-27.
Deuxièmement :
Encore sous le volet de la croyance, il y a l’erreur contenue dans la déclaration de Maurice Bucaille : « Comment un homme illettré au départ, aurait-il pu, en devenant par ailleurs, du point de vue de la valeur littéraire, le premier auteur de toute la littérature arabe, énoncer des vérités d’ordre scientifique, que nul être humain ne pouvait élaborer en ce temps-là… », p. 5, du dépliant.
La faute est telle qu’elle apparaît dans le fait de décrire le Prophète -qu’Allâh prie sur lui et le salue- comme étant le premier auteur de toute la littérature arabe… Et, M. Bucaille parle bien évidemment du Qour’ên, qui est une Révélation divine, car il dit : «… le premier auteur de toute la littérature arabe, énoncer des vérités d’ordre scientifique, que nul être humain ne pouvait élaborer en ce temps-là… » En effet, l’on sait tous que les vérités que le Prophète -qu’Allâh prie sur lui et le salue- annonçait lui étaient révélées par Allâh -Exalté soit-Il-. Sachant qu’il est ipso facto interdit au musulman, voire ceci peut même constituer un acte de mécréance, que de dire que le Prophète est l’auteur de la révélation coranique ! Ou de dire encore que celle-ci fait partie de la littérature arabe ! Dans toutes les conceptions et les civilisations humaines, la littérature est un produit purement humain. Le Qour’ên, et aussi la Sounna, sont une Révélation provenant d’Allâh -pureté à Lui-.
L’auteur très malheureusement n’a pas annoté ce dangereux dérapage dans la conception faite par M. Bucaille du Qour’ên et de la Révélation.
Notre Seigneur -Béni et Très-Haut soit-Il- dans une multitude de versets dénote la vraie conception de la Révélation qui a été faite à Son Prophète -sur lui le salut-, qu’elle n’est point son effort ou son fruit. Parmi ces versets, il y a Sa Parole -qu’Il soit Très-Haut- : ﴾ Et il ne prononce rien sous l’effet de la passion ; ce n’est qu’une Révélation inspirée.﴿ An-Nèdjm (L’Étoile), v. 3-4.
Troisièmement :
Parmi également les erreurs qui s’inscrivent dans le volet de la croyance, le fait d’accréditer les propos de ces penseurs qui attribuent la suprématie de l’islam de façon exclusive à la personne même du Prophète -sur lui le salut-, et avec des expressions qui ne laissent pas comprendre qu’ils reconnaissent l’authenticité de l’islam. En effet, les célébrités que l’auteur a citées imputent les succès du Prophète à son propre génie, le comparant par-là à n’importe quel autre chef ou dirigeant occidental ou oriental ayant réussi dans la mission qui était la sienne. C’est une manière claire d’insinuer par des détours de langue que toute la mission du Prophète -salut sur lui- n’est en fin de compte que le résultat d’un effort proprement personnel et humain, dépourvu de Révélation et de volonté divine.
Or pour nous les musulmans, il est une conviction enracinée dans notre foi que le Prophète -qu’Allâh prie sur lui et le salue- n’aurait point pu parachever sa mission sans qu’Allâh -Très-Haut- ne l’aurait voulu et soutenu. Allâh -Exalté soit-Il- dit : ﴾ Et s’ils veulent te tromper, alors Allâh te suffira. C’est Lui qui t’as soutenu par Son secours, ainsi que par (l’assistance) des croyants.﴿ El Anfêl (Le Butin), v. 62. Et Il a aussi dit -à Lui la Pureté- : ﴾ C’est Lui qui a envoyé Son Messager avec la guidée et la religion de la vérité, afin qu’Il la fasse triompher sur toute autre religion, quelque répulsion qu’en aient les associateurs.﴿ At-Tewba (Le Repentir), v. 33.
S’aligne ainsi dans cette vision insidieuse la citation d’Alphonse de Lamartine : « Enfin, jamais homme n’accomplit en moins de temps une si immense et si durable révolution dans le monde, si la grandeur du dessein, et la petitesse des moyens, et l’immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l’histoire moderne à Mouhammed ? », p. 2. Et cette démarche insinueuse de Lamartine et de ses compères cités dans ce dépliant, s’affiche encore plus clair, et d’un ton plus grave dans la citation suivante (p. 3) : « La conquête du tiers de la terre à son dogme fut son miracle, ou plutôt ce ne fut pas le miracle d’un homme, ce fut celui de la raison… » Ceci sans que l’auteur n’en fasse aucune remarque !
Quatrièmement :
Toujours sous le volet de la croyance, l’auteur cite Huston Smith qui énonce que : « Le Prophète avait établi un document qui stipulait entre autres que les gens du livre seront protégés de toutes insultes ou vexations, qu’ils auront les mêmes droits que les musulmans à notre protection et service, en plus, ils pratiqueront leur religion aussi librement que les musulmans. »
Dans cette citation, mis à part le fait qu’on ne sait pas de quel document H. Smithe parle, il est à noter que son dire que les gens du livre auront les mêmes droits que les musulmans et qu’ils sont libres de pratiquer leur religion comme les musulmans, n’est pas vrai. D’ailleurs les gens du livre qui habitent dans les pays musulmans s’appellent ahl adh-dhimma, et les savants de l’islam ont écrit et démontré les jugements se rapportant à ces non-musulmans.
Dans ce même rapport, le Comité Permanent de l’Ifta en Arabie Saoudite réunissant les grands savants du Royaume dit dans une de ses fetwas à ce sujet : « C’est pourquoi les savants sont unanimes sur l’illicéité des oratoires de mécréance tels que les églises dans les pays musulmans, qu’il n’est pas permis que deux qiblas se réunissent dans un même pays parmi les pays de l’islam, et qu’il n’y ait rien des pratiques religieuses des mécréants, ni églises ni autres. »[1]
Donc il s’agit bien d’un consensus et d’une unanimité des gens de science que les gens du livre habitant sur les terres musulmans ne sont pas libres de pratiquer leurs religions, ni n’ont les mêmes droits que les musulmans. L’auteur du dépliant, étant propulsé par l’envie effrénée de montrer que ces penseurs occidentaux louent le Prophète !, a alors tristement complètement fermé les yeux sur ces dangereuses présomptions qu’ils ont proférées.
Cinquièmement :
Concernant le mènhèdj (la méthodologie ou la voie à suivre). Il est à remarquer que de manière générale, la méthodologie suivie par l’auteur du dépliant sous-tend le désir que tout le monde soit musulman, même si avec le manque ou l’absence des conditions de conversion à l’islam. L’auteur -qu’Allâh lui pardonne- a ainsi rapporté la parole de Johan Goeth (p. 2) énonçant : « Si c’est ça l’islam, ne sommes-nous pas tous musulmans ? » C’est comme si le fait que l’islam plaise ou paraisse beau aux yeux suffit pour être musulman ! Et dans le même sillon également, l’auteur cite la parole de Napoléon Bonaparte qui se dit être fasciné par la grandeur de l’islam et qu’il est musulman, parce qu’il l’a prétendument déclaré ! Et ceci nous amène au quatrième type d’erreur : historique.
Sixièmement :
En effet, en plus du volet méthodologique, il y a ici, tout justement, une erreur sur le plan historique relative à la conversion de Napoléon à l’islam[2]. Car tel que plusieurs historiens et chercheurs arabes et français l’ont expliqué, Napoléon qui faisait l’éloge de l’islam en face des Égyptiens ne le faisait qu’en guise d’opportunisme politique. Lui qui disait : « C’est en me faisant catholique que j’ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais le peuple juif, je rétablirais le temple de Salomon. » Et il a aussi dit : « Ma politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l’être […] C’est la manière de reconnaître la souveraineté du peuple. »[3]
C’est pourquoi d’ailleurs qu’il a été nommé par certains auteurs par « le prince des caméléons », tellement les couleurs qu’il prenait pour asseoir sa politique, quitte à se déclarer musulman, juif ou catholique !
Ces deux exemples nous montrent l’attitude qui transparaît en filigrane constituant le vouloir d’élargir le cercle de l’islam sans prendre en compte les conditions de s’y convertir authentiquement.
Septièmement :
Concernant le hadith, l’auteur -qu’Allâh le réforme- a rapporté la parole d’Ernest Renan qui a cité un hadith menti sur le Prophète et inventé (mawdô‘) sans en faire aucune remarque ! Il est dit dans la citation en énumérant quelques caractères du Prophète -sur lui le salut- : «… Il saluait les petits enfants et montrait une grande tendresse de cœur pour les femmes et les faibles. ‘’Le Paradis disait-il est au pied des mères.’’ »
Ce soi-disant hadith « Le Paradis est au pied des mères », l’Imam El Albênî -qu’Allâh lui fasse miséricorde- a dit dans As-Silsila Ad–da‘îfa (Série des hadiths faibles), n° 593, qu’il est un hadith mawdô‘ : inventé.
Huitièmement :
Erreur de fiqh, sans tout aussi la signaler. Il s’agit de la citation de François Voltaire dans laquelle il dit : « L’Alcoran (le Qour’ên) ordonne de donner deux et demi pour cent de son revenu, soit en argent, soit en denrée. » La zakêt (« l’aumône annuelle ») en fait ne se donne pas du revenu du musulman, qui signifie en arabe el medkhoûl, comme le sont les impôts ! Mais elle se donne du nisâb, qui est le taux dont la zakêt devient obligatoire dans certaines catégories de biens[4], après que ce dernier soit resté une année chez son propriétaire.
Voilà ce qui m’est apparu des erreurs commises dans ce dépliant qui porte malheureusement la mention qu’il est révisé par moi-même. Je demande à Allâh de me pardonner de n’avoir pas su, pour une raison ou pour une autre, y réagir à l’époque. Mais je précise toutefois que l’amour et les égards démesurés que nous avions alors pour Abdelghani Aoussat, ainsi que la bonne opinion outrancière dont nous faisions preuve envers lui, ceci en plus du fait que l’évaluation du contenu était sa tâche, comme je l’avais signalé au début, toutes ces raisons m’ont effectivement distrait de répliquer ces fautes.
Je note enfin que je ne me rappelais plus des citations rapportées dans ce dépliant, jusqu’à ce qu’un de mes frères m’avait fait remarqué la présence de quelques erreurs, qu’Allâh l’en récompense grandement. Je l’ai donc relu dans l’intention de mettre en garde contre ces erreurs, et j’ai alors découvert qu’il y en a davantage ! Je présente ainsi ces éclaircissements et Allâh -Très-Haut- est le seul à accorder le succès pour toute œuvre de bien.
Pureté et Louange à Toi, ô Allâh, j’atteste qu’il n’y a point d’adoré à part Toi, je Te demande pardon, et je me repens à Toi !
Écrit par Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên Ayad
Béjaia, le jeudi 12 chawwêl 1441, corr. : 04/06/2020 G.
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[1]Les fetwas du Comité Permanent, n° 21413, en date du 1/4/1421 H.
[2]L’auteur, pour affirmer que Napoléon est musulman s’est basé sur sa déclaration (p. 3) : « L’islam attaque spécialement les idolâtres ; il n’y a point d’autre dieu que dieu, et Mouhammed est son Prophète ; voilà le fondement (….) Je suis, moi, musulman unitaire et glorifie le Prophète. ».
[3]Pour ces deux citations voir Albert Sorel, L’Europe et la Révolution française, (1907).
[4]Voir Bidêyèt El Moudjtahid, d’Ibn Rouchd, vol. 1, p 319 ; et El Moulakhas El Fiqhî, d’El Fewzên, vol. 1, p. 323.
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