L’imitation tue la justesse
L’imitation aveugle est un des principaux problèmes dont souffrent la traduction islamique. C’est un phénomène qui peut se révéler parfois dangereux. L’imitation contribue en fait à fausser les connaissances que le traducteur doit reproduire fidèlement dans sa traduction. L’imitation agit sur les deux secteurs de la langue : sémantique (choix des équivalents ou correspondants) et phonétique (translittération correcte des sons arabes en français).
Au fait, ce phénomène, chez les traducteurs francophones, tire le plus souvent son origine de la « méthode » de traduction anglophone ou anglo-saxonne.
À titre d’exemple, parmi les innombrables fautes relevant de l’imitation, il y a la traduction du terme islamique (الهِدَايَة) par le mot « guidance » ! Guidance est en fait un anglicisme. C’est un terme qui appartient au domaine de la psychologie. Il signifie : soutien apporté à des enfants en difficulté psychologique pour s’adapter avec le milieu social ou leur entourage.
Nous invitons nos frères et sœurs lecteurs et lectrices à comparer entre le sens de ce terme (الهداية), qui est cité une multitude de fois dans le Qour’ên et la Sounna, et le terme psychologique « guidance ».
Le premier qui veut dire guider, montrer, indiquer, assister, ramener à ou vers… vers le droit chemin, vers le bien, etc. Ou encore trainer vers l’enfer, ou mener en enfer ou vers le chemin de l’enfer, tel que dans Sa Parole, Très-Haut :
((مِن دُونِ اللَّهِ فَاهْدُوهُمْ إِلَىٰ صِرَاطِ الْجَحِيمِ)) الصافات 23.
« en dehors d’Allâh. Puis conduisez-les au chemin de la Fournaise. » As-Sâffêt, v. 23. Trad. : Hamidullah.1
Et le second, « guidance », dont nous avons reporté le sens plus haut2, et qui est non seulement l’apanage de la psychologie, mais décrit un type de pathologie psychologique bien spécifique, et chez les enfants, de surcroît !
Quant aux imitations relevant du domaine phonétique, il y a par exemple la lettre « ش » que certains traducteurs francophones transcrivent en imitant les anglophones par le digramme anglais /sh/ au lieu du digramme français /ch/, comme dans sheikh au lieu de cheikh, etc., ou également la dhamma (ُ) par le son anglophone reproduit par la lettre u, au lieu du digramme français /ou/, qui pourtant celui-ci même rend la prononciation exacte de la dhamma, comme dans Sounna, et non Sunna ! qui, parce qu’ici le /ou/ est remplacé par le /u/, amène sans faute les lecteurs français et francophones ignorant la prononciation arabe «سُنَّة» Sounna, à prononcer le mot non seulement d’une prononciation fausse, mais également très dissonante. Elle est en API (alphabet phonétique international) l’équivalent du graphème [y], qui se prononce comme le /u/ français habituel, tel que dans les verbes au passif lu, bu, su, crû, etc. Et que dire enfin de certains qui transcrivent leur surnom (kounya) ainsi abu Intel… transcrit en API [aby], qui s’articule comme dans l’énoncé « (Il) a bu » !! au lieu de aboû. L’accent circonflexe sur le /u/ note le signe de l’allongement arabe (˜).
Dr Aboû Fahîma ‘Abd Ar-Rahmên AYAD
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- Les exégèses d’Ibn Kèthîr et d’Ès-Sè‘dî.
- Dans le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), qui héberge le TLF (Trésor de la langue française), le mot guidance, précédé d’une marque autonymique (remarque), est défini puis exemplifié ainsi : « Guidance, subst. fém. Assistance à l’enfant afin d’améliorer son adaptation à l’entourage immédiat grâce à une action thérapeutique sur lui et sur son milieu. Centre de guidance infantile, familiale. Le département d’hygiène mentale (…) est en liaison avec tout : médecins de famille (…), hôpitaux, tribunaux (…), guidances infantiles, prisons (H. Bazin, Fin asiles,1959, p. 94). »